Irriguer est rentable, comme le démontre un essai comparatif sur une parcelle de démonstration du Rita Canne.
par Bernard Grollier
L’augmentation du tonnage générée par une irrigation bien menée couvre très largement le montant des factures d’eau. Preuve en est faite sur une parcelle d’une exploitation de Villèle, où la démonstration se poursuit.
L’achèvement du transfert des eaux et la création successive des antennes du Périmètre Irrigué du Littoral Ouest ont permis le maintien de nombreuses exploitations malgré les sécheresses à répétition. Toutefois, les rendements des champs de canne de l’Ouest restent faibles. De trop nombreux irrigants limitent les apports d’eau, par souci d’économies immédiates. Or, il est certain qu’une irrigation bien menée génère une augmentation des rendements et des revenus de l’exploitation, qui compense largement les dépenses en eau.
Dans le cadre du Rita Canne, Rose-May Sadeyen a accepté de confier la gestion d’une de ses parcelles de son exploitation de Villèle à une équipe de techniciens soucieux de démontrer la rentabilité de l’irrigation. En 2020, elle avait déjà obtenu un gain de 30% de rendement sur une parcelle où les meilleures pratiques d’irrigation et de désherbage avaient été mises en œuvre.
Fin mars 2021, la différence de hauteur des cannes était nette : à gauche, irrigation « à l’économie », à droite irrigation « modèle ».
Depuis la dernière récolte, en août 2020, la démonstration se poursuit sur deux parcelles contigües de 3 000 m2 où deux compteurs mesurent la consommation d’eau de chacune. La première est pilotée par Mme Sadeyen, avec sa pratique empirique habituelle : 3 à 4 heures d’aspersion en matinée, deux fois par semaine, en l’absence de précipitations. Sur l’autre, l’équipe de techniciens – Jeanne Marinier et Lætitia Velechy (Tereos), Florence Chamand et Gérard Rioul (CTICS), Régine Félix (Chambre d’agriculture) – applique strictement les préconisations du disque élaboré par Frédéric Aure, de la Chambre d’agriculture.
En l’occurrence, le disque n°5 puisque l’outil a été conçu en de nombreuses versions, correspondant chacune aux conditions d’une zone géographique. Il intègre un principe de base : au début du cycle de la canne, une grande quantité d’eau (300 à 700 m3 à l’hectare) doit être apportée pour constituer une réserve utile dans le sol, dans laquelle la canne viendra puiser en fonction de ses besoins. L’autre période de forte consommation correspond aux mois les plus chauds, pendant laquelle l’évapotranspiration (l’évaporation et la « transpiration » de la plante) est élevée.
Les préconisations du disque mis au point par la Chambre d’agriculture donnent les résultats escomptés.
A fin mars 2021, après sept mois de croissance de la canne, les résultats sont visibles. Les cannes sont nettement plus hautes sur la partie où l’irrigation est pilotée en suivant les préconisations du disque.
Sur ces 3 000 m2, environ 2000 m3 d’eau ont été apportés depuis août 2020, contre moins de 600 m3 sur la partie gérée par l’exploitante. Soit un coût de 158 euros, contre 44 euros. « J’ai été rassuré par ma première facture d’eau, elle n’a pas explosé », commente Rose-May Sadeyen.
Jeanne Marinier (Tereos), Rose-May Sadeyen, exploitante de la parcelle, Lætitia Velechy (Tereos), Florence Chamand (CTICS), Régine Félix (Chambre d’agriculture).
Les calculs se poursuivent
Rapportés à l’hectare, les coûts d’irrigation pourront s’élever à 495 € avec la méthode « Rita-disque », contre 140 € avec la méthode de l’exploitante. La différence de 355 euros serait compensée si l’apport d’eau « Rita-disque » générait 4,7 tonnes de production supplémentaire à l’hectare. Il faudra attendre la coupe, en août prochain, pour mesurer précisément l’augmentation de rendement sur la parcelle qui a reçu le plus d’eau. L’impression visuelle donnée par le champ, fin mars, laisse penser que le gain de tonnage sera beaucoup plus important que 4,7 t/ha.
« Après la récolte, les coûts de revient seront précisément calculés, notamment avec notre nouvel Outil technico-économique en canne à sucre (Otecas), précise Gwenn Bourgaut, responsable des parcelles de démonstration du Rita Canne. Une production en augmentation génère des coûts supplémentaires de récolte et de transport. De plus, l’irrigation favorise aussi la croissance des mauvaises herbes, donc des coûts de traitement ou d’intervention manuelle ».
Gwenn Bourgaut (eRcane), responsable des parcelles de démonstration du Rita Canne.
Le changement de méthode d’irrigation méritera d’être mise en œuvre et observé sur plusieurs campagnes consécutives, afin de fournir des éléments précis et fiables en terme de rentabilité. Rose-May Sadeyen a déjà donné son accord pour continuer l’expérience.