« Plus personne n’achète de 90 CV » constate Clotaire Agathe, conseiller machiniste de la Chambre d’agriculture. « La puissance moyenne des tracteurs utilisés en canne est aujourd’hui de 120-130 CV ». Cette inflation de la puissance des tracteurs reflète l’évolution technologique des matériels. L’heure est aux ordinateurs de bord pour piloter les nombreuses fonctions que doit gérer le tracteur dans les travaux agricoles. Les exploitants ont un large choix et la tentation est grande de s’équiper avec ce qui se fait de plus évolué. S’ajoute à cela les facilités de financement qui donnent l’impression de mettre des matériels très coûteux à la portée du grand nombre.
Mais la recherche de puissance découle aussi d’un choix technique : « Les agriculteurs veulent s’équiper de remorques de 16 tonnes, ou à benne, afin de réduire le nombre de voyages et les temps de livraison. Ces remorques plus lourdes demandent une puissance de traction plus importante » observe Clotaire Agathe. Outre le chargement et le transport, le niveau de puissance est aussi choisi par rapport aux besoins imposés par certains travaux, comme le disque lourd, dans des conditions difficiles.
Le coût réel du matériel
En faisant moins de voyages à la récolte, le planteur pense faire des économies tout en gagnant du temps. Mais en fait-il vraiment ? Tout dépend du seuil de rentabilité du matériel (exprimé en tonnes de canne à produire ou en heures de fonctionnement). Pour connaître ce seuil, l’agriculteur doit prendre en compte tous les paramètres composant le coût réel :
• les charges fixes annuelles : amortissements, frais financiers, assurance, frais de gestion ;
• les charges variables : entretien, réparation, fournitures, carburant, main d’œuvre.
Le calcul ci-dessous, quoique simplifié, montre le surcoût que représente un tracteur de 130 CV pour une exploitation moyenne produisant 800 tonnes. Seules les principales dépenses de fonctionnement sont prises en compte en plus de l’annuité de l’emprunt. A lui seul, un tracteur de cette puissance rend le chargement et le transport deux fois plus coûteux que le tarif maximal d’une prestation de service (dont les tarifs oscillent entre 8 et 13 €/t).
Surpuissance égale surcoût
Le surcoût sera encore plus net sur les autres travaux agricoles. Des études techniques ont établi les puissances nécessaires de traction pour effectuer les travaux de sol mécanisés en canne. Très peu demandent une puissance de 120-130 CV (voir tableau des choix techniques page 14). Aussi, plutôt que de se suréquiper pour un besoin ponctuel, est-il plus raisonnable de solliciter l’intervention d’un prestataire de service ou d’intégrer une CUMA pour les travaux qui le nécessitent. Les opérations à privilégier en groupement ou en prestation sont celles qui reviennent peu souvent et celles qui ne peuvent rentabiliser un matériel spécifique que sur de grandes surfaces.
Conséquence supplémentaire d’un mauvais choix : si la charge financière est trop lourde, l’exploitant devra limiter ses autres dépenses. « Le risque est de devoir payer l’investissement au détriment de l’exploitation, comme diminuer les doses de désherbant, d’engrais, d’eau. La production s’en ressent. Il n’y a plus d’argent pour acheter d’autres matériels et l’exploitation finit mal équipée. C’est une des raisons pour lesquelles l’équipement est limité en canne. Que survienne une mauvaise campagne, et c’est le risque de faillite » observe Clotaire Agathe.