Historiquement, les cannes étaient livrées aux usines sous forme de tiges nues, débarrassées de toutes leurs feuilles par une main d’œuvre abondante. Les pailles restaient au champ, alors que les choux pouvaient être collectés pour l’alimentation du bétail domestique. Quelques maraîchers en prélevaient parfois pour réaliser un paillis sur leurs plantations, certains éleveurs en utilisaient comme litières, mais ces pratiques restaient isolées.
L’arrivée des premières coupeuses mécaniques, dans les années 1970, avait amené à développer le brûlage des cannes avant la récolte. Les coupeuses manquaient en effet de puissance pour absorber la masse végétale d’un champ de canne en fin de cycle. Un incendie contrôlé consumait les pailles et laissait intactes les tiges. La méthode avait aussi l’avantage de détruire les fourmis et était parfois pratiquée dans ce but sur les petites exploitations, pour soulager la peine des coupeurs.
Mais le brûlage n’avait pas que des avantages, puisqu’il privait le sol d’une précieuse matière organique. Il fut abandonné dès la décennie suivante, quand les coupeuses-tronçonneuses gagnèrent en puissance et furent en mesure d’avancer dans les champs les plus denses.
« Je me suis alors aperçu que dans le secteur de Savanna, où il ne pleut pas beaucoup, les pailles hachées par la coupeuse avaient du mal à pourrir après la récolte, se souvient Bernard de Ranchin, alors responsable des Domaines de la Convenance, la société d’exploitation des terres agricoles du Groupe Bourbon (ex-Sucreries de Bourbon). De ce fait, les cannes repoussaient avec difficulté à travers cette couche végétale plutôt dense ».
Des discussions s’ouvrent avec les autres filières agricoles de l’île, pour organiser l’enlèvement d’une partie de ces pailles et leur utilisation à d’autres fins. La SICA-Lait décide d’expérimenter la paille de canne comme élément d’alimentation du bétail, mais aussi comme litière pour les veaux nouveaux nés.
« Les résultats ont été fructueux, d’autres producteurs utilisant des coupeuses-tronçonneuses ont suivi, poursuit Bernard de Ranchin. A partir de 1999, nous avons commencé à faire la même chose sur les champs de La Mare pour répondre à une demande croissante, en même temps que la filière élevage prenait conscience de l’insuffisance de la paille disponible pour faire face à ses besoins ».