Une centaine d’agriculteurs ont été interrogés au sujet de leurs pratiques de lutte contre les rats, de juin à août dernier, par des techniciens de la Chambre d’agriculture, de Tereos et de la Société d’études ornithologiques de La Réunion (Seor). L’initiative de cette enquête revient à un comité de pilotage* constitué par la Seor, qui s’investit depuis plus de vingt ans dans la préservation des oiseaux de l’île, notamment les espèces les plus menacées. Le papangue (ou busard de Maillard), seul rapace nicheur de La Réunion, en fait partie. Il est classé «en danger d’extinction» par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Sa population, dont le comptage est difficile, était estimée entre 150 à 200 couples en 2010. Il est fort envisageable qu’elle se soit réduite de manière significative, depuis.
Le papangue est menacé par le braconnage, les collisions (avec les lignes électriques, les éoliennes et les véhicules) mais surtout par l’empoisonnement secondaire. Les rongeurs constituent en effet sa nourriture principale et il lui arrive souvent d’ingérer des rats venant d’être empoisonnés aux rodonticides comme la bromadiolone, le brodifacoum ou le difénacoum, les principaux produits utilisés en agriculture. Ils ont été détectés par la Seor dans le foie de 93% des papangues qui lui ont été rapportés morts, et dans le sang de 63 % des rapaces recueillis blessés ou trouvés affaiblis dans le milieu naturel.
A partir de 2011, le papangue a fait l’objet d’un premier plan de conservation, suivi en 2016 d’un programme de trois ans, cofinancé par le Feder. Il vise à améliorer la connaissance de l’espèce et des menaces qui la concernent, pour proposer des mesures de conservation.
Le monde agricole a été étroitement associé à ces travaux sur la problématique de l’empoisonnement secondaire.
«Les travaux sur le papangue ont révélé le manque de données quantitatives et qualitatives sur les rats, ainsi que l’absence d’évaluation des méthodes de lutte contre les ravageurs, explique Steve Augiron, coordinateur du programme pour la Seor. L’enquête auprès des planteurs de canne a également fait apparaître une évolution positive de la perception du papangue: il n’est plus considéré comme un danger pour les animaux de basse-cour et de nombreux agriculteurs sont d’accord pour accueillir nos expérimentations futures ».
En 2020, la Seor sera chargée d’élaborer un plan d’action pour sauvegarder le rapace, notamment en réduisant les risques d’empoisonnement secondaire. La démarche exigera d’améliorer la connaissance des populations de rats, de leurs variations en cours d’année, des sources de nourriture des rongeurs. Dès la fin 2019, une réflexion collective a été engagée au sein du comité de pilotage pour identifier des pistes d’amélioration de la lutte raticide.
«Mieux on connaîtra les rats, mieux on les combattra, résume Steve Augiron. Dans chaque filière agricole, les épandages pour- raient par exemple être mieux ciblés, de manière à concentrer la lutte sur les périodes où les populations sont plus vulnérables». La réflexion sur les méthodes alternatives de lutte raticide ne fait que commencer, sans perdre de vue une réalité : l’adversaire est un animal redoutablement intelligent, impossible à éradiquer totalement.
*Membres du comité de pilotage, aux côtés de la Seor : l’Agence régionale de santé, la Chambre d’agriculture, la Daaf, la Deal, eRcane, la FDGDon et Tereos Océan Indien.