L’année 2018 sera celle du retrait du marché du Basta F1, dont la substance active (glufosinate ammonium) est un désherbant total multi-usages, à l’image du glyphosate. Les distributeurs ne peuvent plus en vendre depuis le 24 janvier et les agriculteurs ne pourront plus l’épandre après le 24 octobre prochain.
D’autre part, en novembre dernier, Emmanuel Macron a promis que le glyphosate, principe actif du Roundup, serait interdit en France « au plus tard dans trois ans » alors que l’Union européenne venait d’en renouveler la licence pour cinq ans. A moins d’obtenir une dérogation pour son utilisation, dans la cadre des « exceptions » récemment évoquées par Nicolas Hulot (voir encadré page suivante), il faut donc se préparer à la sortie du glyphosate fin 2020.
Comment faire sans ces désherbants – en premier lieu le glyphosate – très utilisés en bordures de champ ou sur les chemins d’exploitation, mais aussi lors de la préparation du sol avant la plantation, ou en traitement dirigé quand les cannes sont installées ? « Il nous faut mettre les bouchées doubles pour affiner les solutions techniques alternatives qui ont été identifiées », résume Pascal Marnotte, chercheur au Cirad. Pour le dessouchage des cannes avant une plantation, eRcane teste par exemple un outil porté par un tracteur, le Glyphomulch, qui broie les souches pour empêcher leur reprise. Mais il ne sera pas utilisable dans toutes les situations, notamment sur les terrains fortement empierrés.
Avant une plantation, la technique du faux-semis mécanique limitera par la suite la pression des adventices, Pour éviter les traitements de rattrapage et réduire la vigueur des mauvaises herbes difficiles à maîtriser, il faut évidemment effectuer des traitements de prélevée. Appliquer les bons produits au bon moment, mais aussi bien préparer les sols augmentent l’efficacité de ces herbicides. De même, le choix de variétés de canne à croissance rapide et très couvrante, quand elles existent pour la zone de culture concernée, limite les risques d’invasion du champ par les adventices.
Le sarclage mécanique de l’inter-rang, en début de cycle, est également une bonne parade, mais n’est pas réalisable sur les terrains très empierrés ou en pente. Le paillis, à condition de conserver une épaisseur suffisante (voir notre dossier dans ce numéro), a prouvé son efficacité pour freiner l’apparition des mauvaises herbes. La culture de plantes de services sur l’inter-rang fait pour sa part l’objet d’expérimentations aux premiers résultats encourageants.
« Grâce à sa souplesse d’emploi, le glyphosate aura eu un effet très pervers en dispensant les agriculteurs et les concepteurs d’itinéraires techniques de raisonner leurs pratiques et de les caler en fonction de la biologie des plantes à détruire », soulignait le Rita Canne dans sa contribution au rapport de l’Inra, fin 2017 (voir page suivante). « Le fait est que nous connaissons encore trop mal le comportement des 150 espèces de mauvaises herbes face aux pratiques alternatives au désherbage chimique, ajoute Pascal Marnotte. Chacune peut avoir un comportement différent. Les solutions clé en main pour remplacer le glyphosate ne sont pas encore calées. Nous disposons de briques, mais il nous reste à savoir comment les agencer pour édifier un mur ! Les agriculteurs devront choisir des techniques dans la liste des solutions existantes, en fonction de leur réalité et de leurs contraintes ».
La première contrainte étant celle du coût, notamment dans le cas du sarclage ou de l’arrachage manuel des adventices. La principale conséquence économique et organisationnelle d’un retrait du glyphosate sera, de toute évidence, l’augmentation des temps de travaux et des coûts d’entretien des cultures.
Dans cette perspective, l’usage des herbicides homologués en canne devra être toujours plus technique et respectueux des conditions d’emploi des produits, des outils devront être adaptés pour le désherbage mécanique ; un soin particulier devra être porté à l’épaillage et au paillis, l’installation des plantes de services devra être vulgarisé, la gestion différentielle du rang de canne et de l’inter-rang devra être promue. Autant de chantiers, déjà lancés, qui doivent avancer de front jusqu’à l’échéance de 2020 !