Comment concilier les exigences agro-nomique, technique, économique et environnementale de la valorisation des biomasses ? L’atelier sur la valorisation des biomasses d’origine agro-industrielle a mis à plat les informations (techniques et règlementaires) devant tous les acteurs concernés. Ferticanne était l’exemple type de ces questionnements. C’est pourquoi l’atelier s’est tenu à Saint-Benoît à la distillerie Rivière du Mât, non loin des cuves de méthanisation dont l’entreprise s’est équipée pour produire, à partir de ses vinasses, le biogaz qui lui fournit son électricité.
Le co-produit de la méthanisation est un digestat principalement valorisé en tant que fertilisant organique dans les champs de cannes de la zone nord-est (dans le cadre d’un plan d’épandage). Ferticanne, nom donné à ce produit, est un liquide (10 % de matière sèche) ou, après déshydratation, une matière pâteuse (23 % de matière sèche). Sa distribution et son épandage au champ sont assurés par la distillerie.
L’exemple de Ferticanne
Mais avant d’analyser cette biomasse, l’atelier a d’abord fait le point sur les matières fertilisantes d’origine résiduaire (Mafor) issues de l’agro-industrie réunionnaise. La source principale d’information en la matière demeure le Guide de la fertilisation organique à La Réunion édité par la Chambre d’agriculture et le Cirad, actualisée et complétée dans le cadre du projet GABIR. Les planteurs ont aujourd’hui à leur disposition des fiches de synthèse sur 26 Mafor, notamment sur leur valeur fertilisante et leurs modalités d’épandage.
Parmi ces Mafor figure le Ferticanne dont Sophie Wan-Wac-Tow, responsable Etudes et Projet de la distillerie Rivière du Mât, a rappelé l’historique. A l’origine, la distillerie a investi dans la valorisation énergétique des vinasses par la voie de la méthanisation puis, pour se mettre en conformité avec la réglementation, elle s’est tournée vers la valorisation du digestat résiduel en fertilisant organique. La canne est bien évidemment, du fait des surfaces concernées autour du site, le principal débouché du Ferticanne. Après plusieurs années de recherche, d’investissement, de tests, la solution de l’épandage liquide s’est révélée la plus satisfaisante à la fois pour les planteurs et la distillerie.
L’intérêt agronomique
L’intérêt agronomique du digestat Ferticanne ne fait pas de doute. Sa version liquide est étudiée dans le cadre du projet TERO évaluant les effets directs, indirects et les arrières-effets de la fertilisation de la canne à sucre sur le long terme (14 ans) par huit Mafor. En attendant les valeurs définitives d’efficacité azotée du Ferticanne, les références utilisées se basent sur les résultats d’essais menés en métropole. Invitée de l’atelier, Hélène Lagrange, ingénieure agronome R&D d’Arvalis, a conclu que le ferticanne liquide a les mêmes caractéristiques chimiques que d’autres digestats bruts produits en métropole et a un effet fertilisant. L’azote est présent surtout sous forme minérale et jusqu’à 35 % de l’azote organique est minéralisé au cours d’une année. Tandis que le Ferticanne pâteux apporte surtout phosphore et potassium. Des essais menés sur le blé, le maïs et le colza avec d’autres digestats du même type ont par ailleurs confirmé l’importance de la période et des conditions d’apport pour maximiser l’effet azoté et limiter les pertes par volatilisation.
Les contraintes de l’épandage
L’atelier s’est donc penché sur le problème technique de l’épandage : quels matériels, quelles méthodes ? La question devient cruciale dans le contexte du renforcement probable de la contrainte réglementaire : le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) est actuellement en phase de consultation publique. On s’attend à la limitation voire à l’interdiction des buses palettes sur les tonnes à lisier. Or un matériel d’épandage plus performant (ou d’enfouissement) nécessitera un investissement complémentaire. De plus, les contraintes physiques du milieu (pente, roches) limitent l’utilisation de certaines techniques d’épandage. L’atelier a permis d’y voir plus clair également sur ce paramètre technico-économique.