« Lorsqu’on s’intéresse aux plantes de services, c’est que l’on s’interroge sur ses pratiques : c’est mon cas » déclare d’emblée Jean-François Moutama en présentant son expérience des plantes de services. Son exploitation se situe sur la plaine du Gol, voisine de la zone d’activité. Elle est irriguée au goutte-à-goutte. Il y a deux ans, Jean-François Moutama a accueilli un essai de plantes de services conduit avec le Cirad en condition planteur.
« Au vu des résultats, j’ai identifié les plantes les plus efficaces, en particulier le pois sabre (Canavalia ensiformis). L’année suivante, sur une plantation d’un hectare, j’ai poursuivi l’expérience en semant quatre lignes de 130 m de pois sabre en inter-rangs, au semoir mécanique avec l’aide de Vladimir Barbet-Massin d’eRcane. Le semis a eu lieu en décembre après la levée des cannes. Je peux témoigner que le pois sabre a beaucoup contribué à maîtriser l’enherbement sur ces lignes. Seules les lianes sont passées à travers. Il a fallu les arracher manuellement. Mais je n’ai pas utilisé d’herbicide sur ces inter-rangs ». Autre constat : « Le pois sabre a repoussé de lui-même sans aucune intervention de ma part, et produit le même effet sur les mauvaises herbes. J’ai décidé d’en planter en limite de parcelle, ce qui m’évite là aussi d’utiliser de l’herbicide. J’ai commencé au mois d’avril ».
La main d’œuvre indispensable
Jean-François Moutama montre la ligne de pois sabre qu’il a planté le long de l’ancien canal qui irriguait autrefois la plaine du Gol. « Cette variété de pois sabre ne grimpe pas mais rampe, précise Jean-François Moutama. Dès qu’il a plu, elle a levé. C’est une plante vigoureuse qui couvre bien le sol. Le problème, comme pour toutes les plantes de services, c’est qu’elle demande de la main d’œuvre ».
Le planteur a récupéré entre 30 et 40 kg de semences des lignes de pois sabre qu’il a récoltées à l’intérieur de son champ. Il assure le renouvellement de son stock de semences et s’en sert pour entourer sa parcelle comme d’une protection naturelle contre les mauvaises herbes. Il s’interroge toutefois sur une utilisation plus importante du pois sabre à la plantation. « Sans main d’œuvre, c’est impossible, ou alors seulement sur de petites surfaces ». Une autre de ses interrogations porte sur le devenir de la plante : « J’ai remarqué qu’un de mes pois sabre avait tendance à grimper. Est-ce qu’à terme la variété ne va pas redevenir grimpante ? »
Un complément aux herbicides
Jean-François Moutama s’en tient donc pour l’instant à son plan initial : l’usage du pois sabre en bordure de parcelle comme une solution complémentaire pour diminuer sa consommation globale d’herbicide. Prochaine étape : le semis de deux lignes de pois sabre pour nettoyer le chemin longeant le mur de la zone d’activité, un espace soumis à une forte pression des mauvaises herbes. Sensibilisé aux moyens de lutte biologiques, le planteur a par ailleurs planté de l’érianthus, connue pour son action piège contre le foreur de tiges. Sa conclusion sur l’usage des plantes de services ? « Elles changent l’état d’esprit sur l’utilisation des produits chimiques, ce qui est déjà important. Dans la pratique, elles permettent de consommer moins de produits, mais à ce jour je ne les vois pas remplacer en totalité les herbicides ».