Résultats des essais de fertilisation organique, méthode pour calculer la fumure organique : les deux journées techniques RITA Canne organisées fin février à Saint-Benoît et à Saint-Louis se sont adressés aux planteurs pour leur faire part de l’état des connaissances actuelles et de leurs premières applications possibles. L’affluence – 140 personnes sur deux jours – témoigne de l’attente d’information en la matière au moment où les engrais minéraux connaissent une flambée des prix.
Le besoin d’information des planteurs
Sept ans après le lancement du projet TERO, il est possible d’éclairer les choix de fertilisation organique à partir de repères chiffrés : tel est le message délivré aux planteurs lors des deux journées techniques organisées par eRcane et le CTICS. Ces repères chiffrés, ce sont ceux des essais TERO qui testent les effets de huit matières fertilisantes d’origine résiduaires (Mafor) sur la canne. Mis en œuvre par eRcane, ce projet couvre deux cycles complets, soit 14 années. Le CTICS, de son côté, a testé pendant trois ans deux produits utilisés par de nombreux planteurs : Ferticanne, digestat liquide de la méthanisation de vinasse de distillerie, et Ferticycle, engrais organo-minéral granulé, à base de fiente de poule. Objectif : les évaluer sur les plans agronomique (rendement et richesse) et économique, par rapport un témoin fertilisé chimiquement. Amélie Février, responsable des essais TERO, et Olivier Payet, responsable des essais CTICS, ont animé ces deux journées de restitution et de transfert technique.
Les avantages des MAFOR
Les Mafor nourrissent à la fois la plante et le sol. Par leurs arrière-effets sur le sol, les matières organiques constituent une réserve, notamment pour l’azote, est restitué progressivement les années suivantes. Une gestion optimisée de la fertilisation organique permet d’ajuster l’apport de N P K au plus près des doses recommandées en diminuant le recours aux engrais minéraux. Il est même possible, aujourd’hui, compte tenu des connaissances disponibles, de baser son plan de fumure sur les Mafor, et de ne recourir aux engrais minéraux qu’en complément d’équilibre.
Le regard évolue sur la fertilisation organique
Les planteurs présents à ces deux journées n’ont pas caché leur questionnement sur les effets des fertilisants organiques qu’ils épandent sur leurs cultures. Très peu connaissaient l’outil Serdaf qui a été présenté une nouvelle fois. Pour la plupart, la matière organique est un appoint de fertilisation, dont l’intérêt tient principalement à la gratuité. Son emploi se fait indépendamment, souvent « en plus », de la fertilisation minérale. Ces deux journées ont contribué à faire évoluer le regard sur les matières organiques. Ayant apporté son analyse de sol, un planteur a été déconcerté de se voir recommander, après calcul, de faire l’impasse cette année sur l’engrais minéral azoté pour éviter une sur-fertilisation !

Amélie Février – eRcane
Le coefficient d’équivalence d’azote, clé du conseil technique
TERO cherche à déterminer les coefficients d’équivalence d’azote entre Mafor et engrais azoté (urée). Ce travail est toujours en cours, mais d’ores et déjà des coefficients sont suffisamment avancés pour le conseil technique : ils indiquent avec une bonne fiabilité la quantité de fertilisants organiques nécessaires pour fournir aux cannes la quantité d’azote dont elles ont besoin. Ce coefficient varie d’un sol à un autre. Pour les écumes de sucrerie par exemple, il passe de 0,1 à 0,3.
Autre acquis des essais sur les fertilisants organiques : la mesure de leur effet d’amendement chaulant, pour réduire l’acidité d’un sol. Soulignant « l’importance du pH pour la valorisation des éléments nutritifs par la canne », Amélie Février a présenté des résultats chiffrés probants, confirmés sur tous les sites. Le compost de déchets verts et les écumes de sucrerie sont les plus efficaces à ce niveau.
Le calcul de la fertilisation organique
Le calcul de la fertilisation organique consiste en premier à déterminer les valeurs en N, P et K apportées par la Mafor utilisée et disponibles pour la plante. Sur la base des doses recommandées mis en évidence grâce à l’analyse de sol (Serdaf), le calcul fait alors apparaître les quantités manquantes pour certains éléments nutritifs. La règle consiste à retenir la plus petite des trois quantités de Mafor nécessaire pour subvenir aux besoins en N, P ou K, puis à compléter au plus juste avec un engrais simple.
Les essais Ferticanne et Ferticycle
Autres résultats détaillés lors de ces deux journées : ceux des essais de Ferticycle liquide conduits à Sainte-Rose, Saint-Pierre et Saint Louis, et d’un essai de Ferticanne à Saint-Benoît. Ces essais, sur trois ans, ont mis en avant l’intérêt agronomique des deux matières fertilisantes, comparées à une fertilisation minérale classique. Ils ont apporté la preuve qu’une matière organique peut remplacer efficacement l’engrais minéral, et même se révéler plus efficace, avec de bonnes pratiques de désherbage en parallèle. Sur le plan économique, en revanche, seul Ferticanne a un impact positif sur la marge brute. Et pour cause : le produit et son épandage (pris en charge par Rivière du Mât) sont gratuits. Mais l’augmentation du coût des engrais de synthèse pourrait rendre les Mafor locales de plus en plus intéressantes.
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Amélie Février – eRcane
Jean-Claude Fetissoi, planteur de saint-André :
« J’utilise de la fiente de poules parce qu’un éleveur, près de chez moi, me l’a proposé. Nous avons un contrat : il me livre. J’en utilise pour la deuxième année consécutive en plantation. J’épandais sans calcul en passant un coup de charrue pour enfouir. Maintenant je vais tenir compte du calcul. »
Christian Huet, planteur de Sainte Rose :
« Cette journée est intéressante car elle permet de savoir comment fonctionnent les matières organiques. Tout le monde ne le sait pas. »
Mickaël Perrault, technicien du CTICS :
« Cette journée est utile en vulgarisant l’usage des fertilisants organiques. Elle montre comment faire. De plus en plus de planteurs utilisent des matières organiques. Une bonne partie le font à l’aveugle, sans connaître l’équivalence avec les engrais minéraux. Or la quantité d’azote apportée influence le rendement et la richesse. »
Jérôme Prebe, planteur de Saint Benoît, hôte de la Journée technique de Saint-Benoît :
« J’utilise du lisier de porc depuis deux ans, en plantation et en repousse. L’agriculteur me le livre gratuitement. J’ai fait analyser le produit pour connaître sa composition et savoir ce qu’il me reste à apporter à mes cannes comme fertilisant. Car il manque quand même pas mal de choses. Le problème, c’est qu’avec les contraintes d’épandage, on ne peut pas en mettre dans toutes les parcelles. Il faut une autre solution dans les zones voisines d’habitations ou de cours d’eau. »
Eric Boyer, planteur de Saint-Benoît :
« J’utilise Ferticanne liquide depuis trois ans et je complète un peu au jugé. Je suis inquiet avec les mauvaises herbes et le trafic au champ car l’épandage risque de tasser un peu mon sol. Avec les calculs précis, je saurai ce que je dois mettre à l’idéal. Je verrai alors globalement ce qui se passe et si je continue ou pas. »
texte : Olivier Soufflet / photos Jean-Marc Grenier