A La Réunion, la réponse à la question centrale qui se pose au sujet de la valorisation de la paille est « faut-il l’enlever ou la conserver au champ ? ». A ce jour, il est plutôt préconisé de la conserver au champ. Cette question se pose aussi dans d’autres pays sucriers où la recherche agronomique s’est intéressée à ses diverses valorisations : apport de matière organique au sol, maîtrise de l’enherbement, ressource énergétique, intérêt pour le bétail.
Les bénéfices de la paille à La Réunion
Exporter la paille pour faciliter le travail du sol avant une plantation, est une source de revenu pour le planteur ; cependant les services apportés à la culture par un paillis homogène laissé au sol ont été prouvés. C’est pourquoi, à La Réunion, les planteurs sont incités à conserver cette paille par une aide financière à l’épaillage en cours de cycle, aide attribuée dans le cadre d’une MAEC (Mesure agroenvironnementale et climatique).
En 2014, les effets de cette mesure ont été évalués auprès de 21 planteurs pratiquant l’épaillage. Leurs performances d’exploitation se sont révélées significativement supérieures à la moyenne dans leurs zones respectives de production, que ce soit en termes de tonnage, de richesse, de dépendance aux herbicides ou de longévité des cultures.
Pour diverses raisons, cette question du maintien ou de l’enlèvement de la paille se pose aussi dans d’autres pays canniers, telle que l’ont mise en évidence les présentations de deux études, l’une conduite en Floride, l’autre en Colombie.
La paille et les repousses en Floride
En Floride, la canne se cultive sur des sols très riches en matière organique. Sur ces sols, il est alors commun de penser qu’en faisant baisser leur température, la paille entraverait le développement des repousses. Cette affirmation conduit les planteurs à l’enlever et à s’en débarrasser, soit un travail et un coût supplémentaires.
Pour confirmer ou infirmer cette allégation, une étude a suivi la température des sols (à 5 cm et 15 cm de profondeur) ainsi que la croissance des première et deuxième repousses selon quatre niveaux de paillis : maintien total de la paille (témoin), exportation à 33 %, 66 % et 100 %.
Si un paillis de 100 % a légèrement réduit la température du sol à 5 et 15 cm de profondeur, par rapport au retrait total, ou partiel, les rendements en canne et sucre, aussi bien en R1 et R2, n’ont pas été affectés. Certes, les cannes se sont développées plus lentement en début de cycle, mais elles se sont rattrapées par la suite ; un résultat qui conforte ce qui a déjà été observé à La Réunion.
La paille et le carbone en Colombie
En Colombie, une étude qui s’est déroulée sur 18 ans a montré que la quantité de paille laissée au sol, 100 %, 200 % ou, totalement enlevée, a affecté la teneur en carbone labile du sol. Sur les dix premiers cm du sol, cette teneur chutait en absence de paille. Elle a été la plus élevée pour un niveau de paille de 200 %. La texture du sol a aussi eu un impact sur sa teneur en carbone labile et en carbone organique total.
Cette recherche sur le long terme, qui a aussi cartographié la teneur en carbone des sols, avec ou sans paille, à différentes profondeurs (jusqu’à 40-42 cm), a montré que la distribution spatiale en carbone était variable. Avec une telle cartographie il est alors possible d’ajuster les prélèvements de paille en fonction de la teneur du sol en carbone.
Paille et mécanisation
Des « machines jamais vues » : c’est ainsi qu’un ingénieur agronome australien a qualifié divers équipements conçus ou utilisés à La Réunion, découverts à l’occasion des visites de terrain : la coupeuse péï réunionnaise bien entendu, mais aussi le chargeur forestier (type Farmi), le Glypho-mulch pour dessoucher les cannes, sans oublier un prototype conçu à eRcane pour le fanage mécanique de la paille : l’aérofaneur. Ce dernier outil, entraîné par la prise de force du tracteur, en soulevant la paille des interrangs de canne après une coupe en cannes tronçonnés, y arrache en même temps les jeunes pousses de mauvaises herbes, assurant un sarclage mécanique de cette zone, limitant le traitement chimique au rang de canne.