L’agro-écologie s’appuie sur des pratiques respectueuses de l’environnement dont l’efficacité doit être au moins équivalente à celle des techniques actuelles. Les recherches du projet GABIR ont montré que 85% des matières organiques produites à la Réunion font déjà l’objet d’une valorisation agricole ou énergétique (bagasse). Le mix entre engrais chimique et organique est donc déjà la norme à La Réunion. C’est dans les pratiques agricoles, dans le bon usage des engrais, que des progrès restent à accomplir. Une enquête du CTICS a montré qu’environ 60% des planteurs ne tiennent toujours pas compte des analyses de sol dans leur fertilisation. Ils le font soit par habitude, soit parce que leur demande d’analyse ayant été tardive, les résultats arrivent après la plantation ou la repousse. Conséquence : une fertilisation moins efficace. Or les planteurs disposent en matière de fertilisation, grâce aux expérimentations du CTICS et d’eRcane, de références techniques sûres sur lesquelles appuyer leurs décisions et leurs pratiques.
Le fractionnement à généraliser
Première pratique efficace : suivre les conseils des analyses de sol.
Les études du CTICS montrent un gain immédiat de 10% à 15% de la production en suivant strictement les préconisations de fumure des outils d’aide à la décision dont les calculs sont fondés sur les analyses de sol (Serdaf). A commencer par l’amendement des sols là où c’est nécessaire. Corriger le pH d’un sol trop acide (avec la cendre de bagasse ou la chaux magnésienne) augmente automatiquement les rendements. Des essais montrent un gain financier pouvant atteindre entre 1 000 à 1 600 euros par hectare et par an !
Autre gain de rentabilité démontré : fractionner la fertilisation en deux apports.
Le fractionnement de la fertilisation génère en moyenne 15 tonnes supplémentaires à l’hectare et apporte ainsi, malgré le temps et le coût du travail supplémentaire que cela implique un gain de 400 à 500 euros nets.
Le fractionnement permet d’apporter les éléments nutritifs dont la plante a besoin au bon moment. De plus, il limite la volatilisation et le risque de lessivage en cas de pluie. Cette pratique est déjà répandue dans certaines zones pluviales, il convient de la généraliser à tous les bassins canniers.
Autre pratique agroécologique : l’apport régulier de matières organiques qui, tout en fertilisant la culture, stimule le fonctionnement du sol et assure des arrières-effets durables par une minéralisation progressive des composés organiques.
Quelles perspectives ?
Généraliser la mise en oeuvre des pratiques pour optimiser la fertilisation : analyses de sol, utilisation des outils Serdaf, Fertirun, amendements contre les carences des sols, fractionnement de l’apport d’azote en deux épandages.
Réduire le délai des analyses de sol et, pour les planteurs, anticiper suffisamment à l’avance la demande d’analyse de sol. Une analyse reste valable d’une année à l’autre.
Améliorer la vulgarisation des bonnes pratiques de fertilisation, notamment en multipliant les parcelles de démonstration et capitalisant les savoirs à l’échelle du pôle canne.
Développer les groupements et CUMA permettant de mutualiser le coût de la mécanisation des travaux agricoles, dont les épandages de fertilisants minéraux ou organiques. Les équipements sont difficilement rentables individuellement.
Développer et structurer l’économie circulaire de la valorisation des matières organiques (propositions GABIR) pour faciliter l’accès aux fertilisants organiques.
Poursuivre les essais sur les fertilisants et les pratiques de fertilisation pour enrichir les références techniques.
Témoin : Freddy Douanier
« Je suis passé à la fertilisation organique à cause de la hausse des prix des engrais chimiques. Je n’utilise plus d’engrais minéraux depuis quatre ans. Ma méthode, c’est de commencer par épandre du lisier de porc dès que j’ai terminé la coupe. Je le fais par étape, à mesure que je coupe, et une année sur deux pour ne pas trop acidifier le sol.
Ensuite, je fais deux apports de fientes de poule. Le premier, quand la canne a 10 à 15 cm de haut. Le second, quand elle atteint 50 à 60 cm. J’ai beaucoup replanté ces dernières années. C’est seulement l’année prochaine que je mesurerai l’impact, mais je sais déjà que j’ai gagné en tonnage. »