La filière canne doit faire vite pour trouver des parades à la réduction annoncée des produits herbicides homologués. La recherche d’alternatives au désherbage chimiques et l’accompagnement des agriculteurs vers des pratiques permettant de réduire les quantités de pesticides utilisées est une priorité majeure du Rita Canne.
La liste des molécules autorisées s’est considérablement raccourcie au cours de la décennie écoulée et est appelée à se réduire encore. Les solutions chimiques manquent déjà pour lutter efficacement contre certaines mauvaises herbes alors que l’enherbement est un facteur majeur de baisse des rendements. L’équilibre économique des exploitations pourrait être menacé, demain, dans les zones où les adventices deviendraient hors de contrôle.
Le Rita Canne fédère les énergies de nom-breux partenaires qui relèvent ce grand défi : dans une île où le coût de la main d’oeuvre est trop élevé pour envisager un recours massif au désherbage manuel, comme autrefois, à quelles pratiques recourir pour lutter contre les mauvaises herbes avec un minimum de produits herbicides ?
Dans le cadre du plan national Ecophyto, deux projets pilotés par eRcane sont en cours. Le plus ancien, CanécoH, a ouvert des pistes d’expérimentations dès 2013 (voir Caro Canne n°48, août 2019) : implantation de plantes de services sur l’interrang, désherbage mécanique avec ou sans travail du sol, gestion du paillis, couverture végétale entre deux cycles de canne… Le projet est entré l’année dernière dans une deuxième phase, qui se poursuivra jusqu’en 2025 et consiste à tester plusieurs itinéraires techniques, dans l’objectif de réduire de 75 % l’Indice de Fréquence de Traitement (IFT).
Essais sur les exploitations
AgriécoH vise pour sa part à expérimenter des techniques innovantes de micro-mécanisation réduisant l’usage des pesticides. Depuis l’année dernière, un microtracteur à chenilles capable d’entrer dans les champs où les cannes sont déjà hautes permet de tester divers outils attelés.
De nouveaux produits herbicides, plus respectueux de l’environnement et sans effet sur la santé humaine, sont également en test dans le cadre du projet TraproH. En parallèle, de nouveaux modes d’utilisation des produits existants (mélanges d’herbicides, réduction de doses, utilisation de mouillants…) sont expérimentés ainsi que des itinéraires techniques variés de désherbage.
Ces différents projets s’appuient sur des essais conduits en station expérimentale et chez des planteurs, avec la participation active de ces derniers. Les expérimentations ont atteint des niveaux d’avancement variables. Plusieurs pratiques innovantes sont déjà mises en oeuvre par des agriculteurs. Une dizaine d’exploitations s’implique par ailleurs dans le réseau Déphy Ferme mettant en oeuvre des techniques culturales destinées à réduire leur IFT.
Le désherbage thermique en test
Le désherbage thermique, consistant à tuer les mauvaises herbes en les aspergeant de vapeur ou d’eau brûlante, se développe au sein des collectivités territoriales, qui depuis trois ans n’ont plus le droit d’utiliser d’herbicides. La technique est encore balbutiante en agriculture. En canne, elle pourrait se révéler utile sur les rangs, là où il est le plus difficile de combattre les adventices.
Les premiers essais, effectués en 2019 sur un champ de canne, avait abouti à la conclusion qu’il était préférable d’utiliser un équipement plus adapté que ceux dont disposent actuellement les collectivités.
En septembre dernier, eRcane a fait l’acquisition d’une désherbeuse thermique pouvant être attelée à son microtracteur et a recruté Vivien Preschoux pour tester son efficacité et celle des outils (rampes, buses, lance à cloche) dont elle est équipée. Les premiers essais sont en cours.
Mieux connaître les adventices
Si les mauvaises herbes présentes dans les champs de canne réunionnais sont parfaitement identifiées, il reste beaucoup à apprendre de leur biologie, de leur comportement, des facteurs qui les font proliférer ou, au contraire, freinent leur développement. Alors que l’éventail des herbicides autorisés se réduit, les pratiques de désherbage doivent devenir plus fines. Pour mieux combattre l’ennemi, il faut mieux le connaître, ce à quoi s’emploie Pascal Marnotte, malherbologue au Cirad. Avant son départ à la retraite en 2021, il commence à transmettre ses connaissances à Marion Schwartz, récemment recrutée.