par Bernard Grollier 2021
Crotalaire (c. juncea) en fin de cycle sur la parcelle-test de St Joseph
Un essai a débuté en 2020 à Saint-Joseph pour évaluer la maîtrise de l’enherbement par l’effet combiné de la paille de canne et de plantes de services.
Cette parcelle du chemin Dardanelle, sur les hauteurs de Saint-Joseph, abrite une belle diversité de mauvaises herbes : fataques, gros chiendents, zoumines, morelles, paillatères, lianes concombre… Son exploitant, Hugo Fontaine, a accepté de participer à une expérimentation de désherbage alternatif, dans le cadre du projet AgriécoH (Agroéquipement et innovation économe en herbicide). Elle combine deux techniques sur 2 000 m2.
Yvrin Rivière, technicien à la Chambre d’agriculture, y met en œuvre sa méthode de gestion du paillis consistant à faner les pailles, après la récolte, en les concentrant sur 60 % de la parcelle, de manière à constituer une couche suffisamment épaisse. Les 40% restant – qui sont non paillés – servent d’allées de chargement lors de la récolte. La parcelle est ainsi gérée par blocs de 5 rangs. Le désherbage chimique est concentré sur les rangs laissés nus. De ce fait, les quantités d’herbicides apportées sont fortement réduites. La méthode commence à être éprouvée et donne des résultats probants, une campagne après l’autre, chez les planteurs qui l’adoptent.

Semis des crotalaires avec micro-tracteur.
Dans le même temps, Julien Chetty, ingénieur en expérimentation à eRcane, applique une technique testée en station, consistant à semer des plantes de services dans l’interrang, après la récolte.
Grâce à leur effet couvrant, ces plantes occupent le terrain et limitent l’émergence des adventices. Sur la parcelle de Saint-Joseph, le choix s’est porté sur une association de radis japonais daikon et de crotalaire juncea. Le premier est une crucifère des régions tempérées ; sa racine pivotante contribue à décompacter et structurer le sol. La seconde une légumineuse fixatrice d’azote dans le sol. Tous deux produisent beaucoup de biomasse et jouent leur rôle de couverture de sol : ce fut le cas sur la parcelle de Saint-Joseph.
L’essai a démarré après la récolte, en septembre 2020. Il est réparti en deux modalités de lutte contre l’enherbement : une modalité de référence gérée chimiquement et une modalité avec plantes de services et un traitement chimique uniquement sur le rang de canne, répétée deux fois. Sur les deux modalités, le fanage de la paille est réalisé par le planteur, selon la méthode d’Yvrin Rivière.
La micro-mécanisation est également expérimentée sur cette parcelle. Le traitement herbicide de prélevée et le semis de plantes de services ont été réalisés à l’aide du microtracteur d’eRcane : le prélevée avec une rampe de 3 mètres de largeur, dont les buses ont été adaptées pour localiser le traitement sur le rang de canne, le semis avec un semoir couplé à une rotofraise.
Premiers résultats prometteurs
La quantité de paille sur zones concentrées est d’environ 30 tonnes de matière sèche à l’hectare ! Elle a totalement maîtrisé les adventices, aucun traitement chimique n’a été réalisé sur les zones paillées.
A côté, les plantes de services ont joué leur rôle. Elles se sont bien développées et ont contenu l’enherbement.
L’indice de fréquence de traitement s’est élevé à 2,09 sur la parcelle sans plantes de services, ce qui est faible en canne en sucre (IFTH de référence Agreste = 3,2). Sur la modalité avec plantes de services, l’IFTH a été réduit de 76 % (équivalent à 0,5). Sur cette modalité, un seul traitement en prélevée a été appliqué sur l’ensemble du cycle, et un arrachage manuel des mauvaises herbes a été nécessaires sur le rang.
La récolte a eu lieu les 25 et 26 août. Aucune différence de richesse ni de rendement (environ 100 tonnes à l’hectare) n’a été constatée entre les deux modalités.

Julien Chetty, ingénieur expérimentation eRcane
« Cet essai est le fruit d’une mutualisation de connaissances entre eRcane, la Chambre d’agriculture et Hugo Fontaine, commente Julien Chetty. Nous allons poursuivre l’essai pendant au moins deux années, en espérant pouvoir démultiplier des essais de ce type dans différentes régions de l’île. L’objectif ultime du projet est de réduire l’Indice de Fréquence des Traitements Herbicides de 75%, tout en maintenant les performances agronomiques de l’exploitation, tant en rendement qu’en richesse. »