Pendant près de 13 ans, vous avez travaillé à l’amélioration des techniques culturales de la filière canne. Quel regard portez-vous sur le potentiel de progression, dans ce domaine ?
Daniel Marion : «L’augmentation des rendements est réelle et forte depuis 1970, mais on peut faire encore mieux. J’estime à 10 % le potentiel de croissance de la production, immédiatement, si tous les planteurs mettaient en œuvre des pratiques qui ont fait leurs preuves: planter les variétés les plus performantes pour leur zone, appliquer les traitements herbicides sans retard et fractionner les apports d’engrais.
La progression serait encore supérieure si tous ceux qui cultivent des sols acides – plus de la moitié des champs de canne de l’île sont dans ce cas – en corrigeait le pH, avec les cendres de bagasse et la chaux magné- sienne. Remonter le pH d’une parcelle peut faire rapidement grimper son rendement de 20% ! »
D. M. : « Les acteurs de la filière travaillaient déjà ensemble quand le Rita Canne a été mis en place, le Rita a formalisé le partage sur des thématiques variées : le fractionnement de la fertilisation, la correction du pH du sol, l’usage d’un biostimulant comme l’Osiryl, la maîtrise des mauvaises herbes.
Parmi les projets Rita mis en place récemment, l’un d’eux me semble très important : la multiplication des parcelles de démonstration, mission qui a été confiée à Gwenn Bourgaut par eRcane. A mes yeux, ces parcelles où des techniques éprouvées sont mises en œuvre, sont la clé de voûte du transfert. Elles font se rencontrer sur le terrain les planteurs, les techniciens, les agronomes, les partenaires de la filière. De plus, en multipliant les sites de démonstration, nous sommes confrontés à des situations que nous n’avons pas rencontrées dans nos essais et nous progressons ainsi dans la qualité des préconisations, tout en recueillant à la source les préoccupations des planteurs».
Quels sont les points à améliorer dans le fonctionnement du Rita Canne ?
D. M. : « Il faut d’abord renforcer l’expertise des techniciens de terrain. Un important programme de formation sur la fertilisation a ainsi été lancé en 2019 avec le Cirad et d’autres partenaires. Le potentiel de progrès n’est pas négligeable dans ce domaine. Le Rita est là pour accompagner les jeunes techniciens, pour consolider et actualiser le bagage technique des moins jeunes, l’objectif final étant de parvenir au transfert de messages techniques éprouvés et partagés vers les planteurs.
De même, tout ou presque reste à faire pour impliquer les structures de formation agricole, pour leur transférer nos résultats et les inciter à proposer aux agriculteurs des formations au plus près du terrain. Il s’agit d’un des principaux axes de travail d’Alizé Mansuy, qui m’a succédé dans la fonction d’animateur du Rita Canne ».
Un agronome de terrain
Né en 1950 à Saint-Louis, Daniel Marion quitte très tôt La Réunion pour l’Afrique, puis la métropole où il devient ingénieur agro- nome. Pendant dix ans, il travaille pour la Compagnie Sucrière du Sénégal puis intègre l’Irat (Institut de recherches agronomiques tropicales, prédécesseur du Cirad).
Affecté en Côte d’Ivoire, il y restera 14 ans, menant des expérimentations pour les quatre complexes sucriers du pays. Le coup d’Etat de 2002 lui donne l’opportunité de revenir au Sénégal puis, trois ans plus tard, au siège du Cirad, à Montpellier.
En 2007, le Cerf (l’ancien nom d’eRcane) lui propose d’occuper une nouvelle fonction, consistant à diffuser l’information technique auprès des planteurs et des conseillers de terrain. Daniel Marion crée et développe le service Techniques culturales, qui s’implique tant dans la recherche d’alternatives aux herbicides que dans les essais de nouveaux produits herbicides en vue de leur homologation sur canne à sucre.
De 2011 à 2014, son service ouvre de nouveaux champs d’activité, comme l’acquisition de connaissances sur la valeur de matières fertilisantes locales d’origine résiduaire, la réduction du travail du sol, la gestion de la paille à la parcelle dans le cadre d’une utilisation multi-filière.
Il se voit logiquement confier l’animation du Réseau d’innovation et de transfert agricole Canne à sa création, en 2015.