32251 tonnes d’engrais minéral ont été importées à La Réunion en 2018. Pour l’essentiel, il s’agit d’urée qui contient jusqu’à 46% d’azote. Le second type d’engrais le plus utilisé en agriculture (les ammonitrates de 21 à 33,5% d’azote) représente moins de 3 % du marché. Quant aux engrais azotés à retardateurs ou inhibiteurs (voir encadré), ils sont très peu utilisés.
L’urée est particulièrement privilégiée en canne car moins chère. Mais c’est la forme d’azote minéral la plus sensible à la volatilisation. En présence des micro-organismes du sol, l’urée est transformée en ammonium et peut sous cette forme être perdue par le processus de volatilisation vers l’atmosphère. Quelle que soit l’origine de l’azote, chimique ou organique, le phénomène se produit. C’est une perte pour le planteur, en termes de dépense et de rendement, avec de surcroît un impact négatif sur la qualité de l’air.
Une fertilisation diminuée
Ces résultats sont issus des projets TERO (eRcane) et Soere-Pro (Cirad) dont les essais sont toujours en cours (voir encadré).
Les essais TERO – en plantation, en première, deuxième et troisième repousses – montrent tout d’abord l’existence d’un plafond d’efficacité de l’azote. « Plus on apporte de l’azote, plus le rendement augmente jusqu’à un rendement maximal» a expliqué Amélie Février (eRcane) en commentant la courbe d’efficacité ci-contre. Au-delà de ce maximum, tout apport supplémentaire d’azote est sans effet sur la plante. Des observations valables pour toutes les espèces végétales cultivées.
Deuxièmement, une grande variation d’absorption de l’urée par la canne est observée d’un site à l’autre. Les facteurs responsables de ces différences peuvent être d’ordre climatique (la pluviométrie ou l’irrigation, le vent) ou pédologique (type de sol) mais également d’ordre végétal (chaque espèce a une capacité particulière à absorber l’engrais). En repousses, la proportion de l’engrais retrouvé dans la culture est de 30 % à 35 %.
Des pertes d’urée considérables
A ces résultats font écho les mesures réalisées par le Cirad à La Mare. Il ressort que 15 à 30% seulement des fertilisants appliqués dans l’année nourrissent la canne. Si tout n’est pas perdu, puisque 25 à 40% restent dans le sol et constituent un capital de fertilité pour les années suivantes (l’arrière-effet), en revanche, ce sont bel et bien de 25 % jusqu’à 70% des fertilisants qui se volatilisent dans l’atmosphère, et ce dans les quelques jours suivants l’épandage!
Principaux facteurs aggravants de la volatilisation : le vent et la température, mais aussi le volume du paillis. Trop épais, le paillis ferait obstacle à la pénétration du fertilisant dans le sol. Même l’irrigation par aspersion, qui peut améliorer la pénétration dans le sol, n’empêche pas 25 % de l’urée de s’échapper. Finalement, le taux moyen d’efficience d’utilisation de l’urée mesuré sur 10 sites tout autour de l’île est estimé de 25 à 50 % pour la canne.
Le projet TERO
Quatre essais sont lancés en 2014. Objectif: fournir un conseil technique aux planteurs sur les valeurs fertilisantes de huit Mafor (Matière fertilisante d’origine résiduaire): lisier de porc, fumier de volaille, compost de déchets verts, écumes de sucrerie, boue de digestat de méthanisation de la vinasse (Ferticanne), compost de Camp Pierrot, boues de station d’épuration, granulés de fiente de poules pondeuses. Il s’agit de savoir quelle quantité d’azote issue de ces Mafor est utilisée par la canne l’année d’apport (effet direct) et l’année suivant l’apport (effect indirect ou arrière-effet). Les Mafor sont testées sur deux cycles de la canne de sept ans.
Le projet Soere Pro
Soere Pro est un réseau national d’expérimentations sur grandes cultures. A La Réunion est étudié le devenir de l’urée et de trois matières organiques (lisier de porc, litière de volaille et boues de la station d’épuration du Grand Prado) dans le sol, l’air, l’eau et la canne. Sont notamment mesurées les émissions d’ammoniaque, de dioxyde de carbone et d’oxyde d’azote émanant des fertilisants épandus. Les travaux sont programmés pour deux cycles de sept ans chacun.