« Je voudrais exprimer, au nom de tous ceux qui œuvrent aujourd’hui pour l’avenir du sucre une immense fierté pour tout ce qui a été accompli dans le passé. Nous sommes dépositaires d’un capital inestimable, fait de plantes et d’usines, certes, mais aussi et surtout de la masse de travail, de l’incroyable inventivité aussi, qui ont été déployés par les générations qui nous précèdent. De ce capital il faut nous montrer digne. Il faut, comme nos prédécesseurs, combiner énergie et imagination, se projeter vers demain sans oublier hier » a déclaré Philippe Labro, président de Tereos Sucre Océan Indien.
Une manière de rappeler que, durant ses deux siècles d’existence, l’industrie sucrière, la plus ancienne de l’île, est passée de méthodes traditionnelles à des outils industriels parmi les plus performants au monde. Plusieurs fois, alors même que la partie semblait perdue d’avance, la volonté de garder le cap et de défendre la pérennité de la filière, a poussé les acteurs sucriers à se mobiliser, déployant une énergie exceptionnelle pour mettre en œuvre des solutions toujours plus innovantes.
Un formidable instinct de survie
En 200 ans d’histoire, l’industrie sucrière a surmonté bien des aléas et des crises : les pénuries de main-d’œuvre avec la fin de l’esclavagisme et de l’engagisme, les campagnes sucrières catastrophiques, les restructurations des outils de production. Elle connaîtra aussi des problèmes phytopathologiques très graves : la « maladie blanche » dans les années 1860, la mosaïque dans les années 1920, la gommose dans les années 1960 ou encore l’apoplexie, le charbon…
Plus récemment, la réforme de l’OCM (Orga-nisation Commune de Marché) sucre (2006) et la fin des quotas sucriers en Europe (2017), ont remis en cause l’équilibre de l’industrie sucrière et ont conduit à la mise en place de nouvelles mesures pour accompagner la filière dans son développement.
Les fondamentaux sont aujourd’hui actés et ils donnent à la filière une visibilité sur le moyen et le long terme. La dernière Convention Canne tripartite signée entre planteurs, industriels et Etat, est positive pour la filière. En apportant une vision à long terme aux planteurs, elle consolide la production de canne à La Réunion.
La performance par l’innovation
La filière doit toujours se mobiliser pour protéger le foncier cannier, renforcer la compétitivité des exploitations et augmenter le revenu des planteurs.
Elle doit conserver sa performance technologique reconnue et ainsi préserver sa position de leader sur le marché des sucres spéciaux de plus en plus ouvert à la concurrence.
Elle doit explorer de nouvelles pistes et faire le pari de l’innovation technique. La filière Canne-Sucre est riche aussi d’expériences et de savoir-faire sur ce plan. Elle le doit en grande partie à des dirigeants visionnaires et à des travailleurs passionnés qui ont été à l’origine d’importants progrès techniques en sucrerie de canne, comme Emile Hugot (1904 - 1993) et Maxime Rivière (1921 - 1995) par exemple.
Plusieurs innovations techniques, souvent des premières mondiales, ont été mises en œuvre à La Réunion. Pour ne citer que les plus connues :
• au début des années 1970, la première cuite en continue et les premières centrifugeuses continues ;
• à partir de 1991 la cogénération bagasse-charbon dans les centrales thermiques de Bois-Rouge et du Gol ;
• en 2007, les caisses à flot tombant permettant un sixième effet de vapeur pour l’évaporation du jus de canne, source d’importantes économies d’énergie ;
• aujourd’hui, à travers les nombreux investissements réalisés, en cours ou à venir, les sucreries maintiennent un haut niveau de performance.
Certes, des défis internes sont encore à relever et il conviendra de faire preuve d’un engagement exemplaire pour notamment maintenir les volumes, en protégeant le foncier cannier ; renforcer la compétitivité des exploitations, pour augmenter le revenu des planteurs, conserver notre performance technologique reconnue, préserver notre position de leader sur le marché des sucres spéciaux…
Mais, riche de son expérience et de son savoir-faire, la filière croit en ses projets et ses objectifs d’avenir ; des exemples :
• fabriquer du bio-éthanol à partir de la mélasse de canne qui sort des sucreries, pour alimenter une turbine à combustion qui va entrer en activité dans quelques mois, courant 2018. Elle alimentera EDF et le réseau électrique lors des pics de consommation en particulier ;
• s’adapter encore plus au marché du sucre en multipliant les gammes de sucres spéciaux pour répondre à des besoins très spécifiques, à des clients particuliers ;
• exporter encore plus. Aujourd’hui, 95 % de la production réunionnaise est exportée en Europe. Or, en Asie, il y a des marchés qui commencent à émerger avec des consommations qui s’orienteraient vers des sucres spéciaux…
La filière Canne-Sucre réunionnaise est donc confiante en son avenir. Tel est le message fort du bicentenaire des sucreries du Gol et de Bois-Rouge.