D’abord réticent, le planteur a testé cette méthode alternative de lutte contre les adventices sur une petite surface (« deux ou trois remorques ») avant de l’étendre à la totalité de sa parcelle en 2016. Thierry Lauret reconnaît qu’il n’a pas été facile à convaincre. Ayant appris le métier avec son père, il avait des habitudes bien enracinées. Il est aujourd’hui l’un des plus fervents partisans de la méthode qui résout, pour lui, plusieurs problématiques en même temps.
« Avant, je fanais la paille sur tout le champ à la fourche, et j’avais des problèmes de dos. En procédant de cette façon, sans m’en rendre compte, je faisais lever la mauvaise herbe sur toute la parcelle car il est difficile de répartir la paille de façon homogène. J’étais obligé de traiter toute la surface et consommais plus de désherbant. Tout cela m’a décidé finalement à essayer la méthode d’Yvrin. Ce qui me faisait peur, c’était que le paillis trop épais empêche les cannes de lever. J’ai vu que ça ne changeait rien : les cannes donnent aussi bien. Alors, en 2016, après la coupe, j’ai fait tout le terrain avec cette méthode. Cela me change la vie. Avec le positionnement des cannes en andains continus à la récolte, le chargement est plus simple. Je vais plus vite pour le désherbage, pour l’engrais. Au final, je me fatigue moins et ai plus de temps pour faire autre chose ».
Un schéma en cinq rangs
Sur un terrain pentu, rocailleux, difficile à travailler, Thierry Lauret fait tout lui-même manuellement – à l’exception du chargement et du transport pour lesquels il fait appel à un prestataire de services. De la méthode de paillis proposé par Yvrin Rivière, il a adopté le schéma en cinq rangs : deux rangs paillés de part et d’autre d’un rang non paillé (voir schéma page précédente).
Selon les préconisations du conseiller canne de Saint-Joseph, il coupe et étête en laissant sur le sol la paille avec les choux sans y retoucher par la suite. Les cannes coupées et épaillées sont rassemblées sur les rangs destinés à rester nus après le chargement avec le chargeur frontal. La paille des rangs de chargement a été redistribuée sur les rangs voisins.
Condition de l’efficacité du paillis : il intègre les choux ou bouts blancs des cannes. Mêlés aux feuilles, cet apport de matière végétale donne au paillis l’aspect d’un tapis dense, d’un tressage qui recouvre parfaitement le sol des inter-rangs, ne laissant aucun espace. A cette densité, dans ses conditions d’exploitation, le paillis assure un couvert du sol jusqu’à ce que le feuillage de la canne prenne le relais, environ treize semaines après la récolte de la parcelle.
Quelques adventices, principalement des lianes et des fataques, parviennent à percer le paillis ici et là. Thierry Lauret les repère facilement en circulant sur les bandes non paillées qu’il a désherbées chimiquement. Ces bandes dénudées aux allures d’allées facilitent mon déplacement dans le champ et le repérage de nouvelles levées de mauvaises herbes.
Désherbage : 40 % d’économie
Thierry Lauret invite à le suivre quelques mètres sous une couverture de cannes de six mois et demi. « Avec cette méthode, j’économise 10 litres de désherbant, ce qui fait 40 % d’économie, et je suis sûr que je peux faire mieux ». Sur un sol qui n’a jamais été tassé, le planteur n’a longtemps cultivé que des cannes R570, vieilles maintenant de trente ans, voire davantage ! Depuis quatre ans, il replante R585 et R570. Les nouvelles souches occupent à présent, respectivement, 0,70 ha et 1,30 ha sur les deux hectares replantés. Ajoutant sa propre réflexion à celle d’Yvrin Rivière, Thierry Lauret associe notamment les deux variétés de la façon suivante : R570 pour les rangs paillés car « elle apporte plus de paille » et R 585 sur les rangs non paillés car « elle pousse et couvre plus vite ».
La parcelle a produit 340 tonnes en 2017. Soit une perte limitée à 50 tonnes par rapport à la campagne précédente, conséquence de la sécheresse sévère de 2016 et début 2017. Un résultat plutôt appréciable comparé aux pertes d’autres planteurs de la même zone. Néanmoins, c’est au cours de la prochaine campagne que Thierry Lauret pourra pleinement juger comment l’absence quasi-totale de mauvaises herbes tout au long de l’année influe sur son rendement.