Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au paillis ?
Alors que j’étais conseiller canne sur Sainte-Rose, après avoir développé la mécanisation du chargement et du transport de la canne, je me suis intéressé à la maîtrise des adventices. Le désherbage chimique fonctionnait parfaitement. Or, lors de mes tournées sur le terrain, j’ai rencontré un agriculteur qui, ne participant pas aux groupes de travail que j’animais, avait d’aussi bons résultats avec les pailles que nous en chimique. Je me suis alors intéressé à sa technique sans, pour diverses raisons, pouvoir commencer à la développer sur Sainte-Rose.
Parmi ces raisons, la technique de chargement des cannes que je préconisais alors. Si en vue d’un chargement au chargeur frontal, le coupeur positionne ses cannes en andains continus, avec un chargeur à tourelle les andains de canne sont discontinus dans la parcelle. Alors, après l’enlèvement des cannes, des zones paillées et non paillées alternent sur une même bande.
Quelques années plus tard, affecté à Saint-Joseph, j’ai pris de plus en plus conscience des risques représentés par l’usage des produits phytosanitaires. Me souvenant de ce que j’avais vu chez cet agriculteur de Sainte-Rose, j’étais de plus en plus convaincu de la nécessité de mieux valoriser le paillis pour réduire l’emploi des phytosanitaires. Dans ce contexte l’arrivée du plan Ecophyto m’a définitivement convaincu de passer à l’action.
En quoi le fait d’avoir constitué un groupe de planteurs a-t-il aidé au succès de la méthode ?
D’abord, en constituant un groupe, il était possible de tester la méthode dans des configurations multiples de sol et de climat, comme ils en existent autour de Saint-Joseph. Mais l’intérêt a aussi été le partage d’expérience, le développement d’une dynamique de groupe où les agriculteurs s’encouragent mutuellement. Je travaille avec un peu plus de 250 planteurs. J’ai pu trouver parmi eux une vingtaine d’agriculteurs réceptifs à la méthode. Je n’impose rien mais donne des idées dans lesquelles ils piochent. Nous prenons le temps d’échanger pour avancer.
La maîtrise de l’enherbement en repousses dépend pour beaucoup du désherbage initial à la plantation. Que préconisez-vous à la plantation ?
Outre le bon choix des herbicides, la réussite du désherbage dépend aussi :
• d’une bonne préparation de sol, supprimant toutes les mottes de terre et dégageant les pierres, afin que lors de la pulvérisation du traitement un « film » continu d’herbicides couvre le sol ;
• et plus particulièrement de bonne programmation de l’intervention.
Ce que je préconise à la plantation c’est d’intervenir strictement en prélevée , soit un premier passage très vite après la plantation. S’il le faut, le planteur procèdera par étapes en traitant immédiatement chaque portion de parcelle plantée, car il ne faut pas attendre que toute la plantation prévue soit faite pour intervenir, surtout si elle s’échelonne sur plus d’une semaine. Un second passage de prélevée, quelques semaines plus tard, sera nécessaire pour maîtriser complètement les mauvaises herbes.
En quoi votre méthode améliore-t-elle les conditions de travail de l’agriculteur ?
Les bandes non paillées continues le long de mêmes sillons, par rapport à des bandes discontinues, comme souvent observé, constituent des repères pour organiser les autres opérations techniques, à savoir la fertilisation, la dératisation, la surveillance de la parcelle lorsque des adventices telles que les espèces lianescentes et les fataques font leur apparition. Ça facilite un diagnostic rapide pour prendre une décision judicieuse.
Ces bandes sont aussi des repères à la récolte pour un nouveau coupeur. Il y positionnera plus facilement les cannes, réduisant, sur ce sol propre, les risques de prélèvement de paille, assurant un chargement de meilleure qualité pour sa richesse en sucre.
Enfin ce sont des zones de circulation rapide à l’intérieur de la parcelle pour suivre le développement de la culture. Et, s’il pleut et que le sol est boueux, il y a toujours possibilité de circuler sur les zones paillées.

Les rangs non paillées facilitent l’entrée et la circulation dans la parcelle.